Quoi qu'il arrive à l'avenir, cet Open d'Australie 2012 restera à part dans la carrière de Novak Djokovic. Cette troisième victoire à Melbourne, le Serbe est allé la chercher au plus profond de lui-même, passant près de 11 heures sur le court lors de ses deux derniers matches face à Murray et Nadal.
Novak Djokovic affole les compteurs depuis douze mois. Depuis dimanche, il détient un record. Celui de la conférence de presse la plus tardive de l’histoire des finales de Grand Chelem. Il était 3h40 du matin à Melbourne lorsque le Serbe est venu répondre aux questions des journalistes. Dans une ambiance détendue. "Vous êtes nombreux à être restés. Merci !" "Nous sommes obligés", répond un confrère en rigolant. "Je sais que vous êtes obligés. Mais faites semblant d'avoir envie d'être là!" plaisante Nole, provoquant l'hilarité de la salle. Djoko a toutes les raisons d'être de bonne humeur. Oui, il va se coucher tard, mais c'est pour la bonne cause. Aujourd'hui, plus qu'hier, il figure dans l'histoire du tennis. Et il en est fier. Fier "de faire partie de cette histoire".
Sa plus grande satisfaction, c'est d'avoir surmonté une fin de tournoi incroyablement difficile. Andy Murray, en demies, puis Rafael Nadal, en finale, lui ont tout fait. Mais ils ont contribué à le grandir, à l'installer dans son costume de très grand champion. "Vous savez, je vis pour de tels moments, explique-t-il. Tous mes collègues vous le diront. On travaille dur, on consacre notre vie à notre sport. Et c'est pour vivre de tels moments, pour jouer des finales comme ça." Cette victoire, il la place tout en haut dans son gotha personnel. "Avec celle de Wimbledon, parce que c'est le tournoi que je rêvais de remporter. Mais là, d'avoir joué six heures, c'est incroyable, incroyable, insiste le désormais triple vainqueur de l'Open d'Australie. Rien que de savoir que c'est la plus longue finale de l'histoire, ça me fait pleurer, vraiment."
"Je comprends ce que Rafa ressent"
A chaud, pas sûr que Djokovic mesure ce qu'il vient d'accomplir. Il est juste heureux et soulagé. "Vous ne pouvez pas imaginer, répond-il quand on lui demande ce qu'il a enduré physiquement dans cette fin de tournoi. Ça ne sert à rien de parler de ça. La seule chose qui compte, c'est que j'ai survécu à tout. C'était un effort incroyable de survivre, physiquement et mentalement." Mais à l'instar de Nadal, qui expliquait juste avant avoir apprécié la souffrance ressentie tout au long du match ("de la bonne souffrance" selon les termes du Majorquin), Djokovic a pris du plaisir lui aussi. Et cela va au-delà du dénouement qui lui a été favorable. "Je suis tout à fait d'accord avec lui, confie le Serbe. J'ai peut-être eu un sentiment un peu similaire dans quelques matches, mais rien d'équivalent à ceci. Vous souffrez, vous essayez de faire bouger vos jambes, de vous pousser un peu plus loin, pour un nouveau jeu. Vos doigts de pieds saignent. Tout est exacerbé, mais vous aimez cette souffrance. Alors je suis d'accord avec Rafa."
Evidemment, la victoire aidant, la souffrance passera sans doute plus vite pour lui que pour Nadal. Psychologiquement, surtout. Septuple bourreau de l'Espagnol en autant de finales depuis mars 2011, dont trois en Grand Chelem, Djoko compatit. "J'ai été dans cette position il y a quelques années, rappelle-t-il. J'ai perdu des demi-finales et des finales contre lui et Roger dans des tournois du Grand Chelem. Alors je comprends ce qu'il ressent." Excellent second rôle dans l'ombre de l'imposant duo helvético-espagnol, Djokovic a attendu son heure. Il la vit en ce moment, et l'impose aux autres.
Et ce n'est peut-être pas fini. Il pense déjà à Roland-Garros, où il briguera un Grand Chelem à cheval sur deux saisons. "Je veux bien faire et aller pour la première fois en finale à Paris, prévient-il. Je n'y suis jamais allé et j'ai le sentiment que cette année je suis prêt pour ça." Djokovic est prêt à tout. A tous les défis. Mais chaque chose en son temps. Pour l'instant, il veut "profiter du moment" et surtout se "reposer". Et Djokovic d'annoncer qu'il va prendre quelques semaines off, avant de "revenir au bureau". Finies les heures supp’. Il est 4 heures du matin à Melbourne. Novak Djokovic s'en va, au bout d'une des plus folles journées de l'histoire du Grand Chelem.