Deux journalistes, dont un français, tués à Homs
LEMONDE.FR avec Reuters et AFP | 22.02.12 | 10h11 • Mis à jour le 22.02.12 | 15h39
Un photojournaliste français, Rémi Ochlik, et une journaliste américaine travaillant pour le Sunday Times, Marie Colvin, ont été tués, mercredi 22 février en Syrie, a déclaré le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand à la sortie du conseil des ministres, confirmant une information d'Al-Jazira et Al-Arabiya.
Un témoin a précisé à l'agence d'information Reuters qu'un obus avait frappé la maison dans laquelle les deux journalistes se trouvaient – un centre de presse de militants de l'opposition – et qu'ils ont ensuite été touchés par une roquette au moment où ils s'enfuyaient. Les deux journalistes "ont en plus été poursuivis alors qu'ils essayaient d'échapper aux bombardements", a également affirmé Frédéric Mitterrand.
D'autres journalistes ont été blessés dans des bombardements. Le militant Omar Chaker, à Baba Amro, contacté sur Skype, évoque "trois ou quatre autres journalistes étrangers" blessés. Parmi eux, la Française Edith Bouvier, reporter auFigaro, a indiqué la rédaction du quotidien. "J'ai reçu deux appels de Homs ce matin m'apprenant qu'Edith Bouvier a été blessée aux jambes", a dit à l'AFPPhilippe Gélie, chef du service étranger du Figaro. "Nous sommes en contact avec les ambassades française et britannique ainsi que la Croix-Rouge pour parvenir à la localiser puis à l'évacuer", a-t-il ajouté, soulignant qu'il n'avait pas d'indication sur la gravité de ses blessures.
Edith Bouvier, 31 ans, travaillait en free-lance pour Le Figaro. Elle a notamment collaboré à Radio France Internationale (RFI), France Culture, France Inter, France Info ainsi qu'à Libération et aux quotidiens helvétique Le Temps et belge Le Soir.
COUVERTURE DU PRINTEMPS ARABE
Rémi Ochlik, 28 ans, était un photographe de guerre, qui a fondé sa propre agence de photo, IP3 Press. Son travail en Libye avait été primé au World press 2012. "Je viens d'arriver à Homs, il fait encore nuit. La situation semble incroyablement tendue et désespérée", écrivait-il mardi soir dans un mail adressé au rédacteur en chef photo de Paris Match, Guillaume Clavières. Selon ce dernier, "Il était parti il y a quinze jours en Syrie avec l'un de nos reporters, Alfred de Montesquiou, mais on les a fait rentrer la semaine dernière. Rémi est reparti tout seul".
Marie Colvin, âgée d'une cinquantaine d'années, a couvert de nombreux conflits, en Yougoslavie, en Iran, au Sri Lanka et récemment durant le "printemps arabe". Jean-Pierre-Perrin, envoyé spécial de Libération, était à ses côtés pendant quelques jours à Homs, avant de quitter la Syrie. Sur le site du quotidien, il raconte : "On nous avait conseillé de quitter la ville de toute urgence, en nous disant : 'S'ils vous trouvent, ils vous tueront.' Je suis donc parti avec la journaliste du Sunday Times, mais elle, ensuite, a voulu y retourner quand elle a vu que l'offensive n'avait pas eu lieu." "L'armée syrienne recommande de tuer tout journaliste qui mettra un pied sur le sol syrien", assure-t-il aussi.
>> Lire le portrait de Rémi Ochlik, jeune photojournaliste qui avait couvert toutes les révoltes arabes
>> Lire le portrait de Marie Colvin
"CE RÉGIME DOIT PARTIR"
"Ça montre que maintenant ça suffit, ce régime doit partir", a réagi mercredi le président Nicolas Sarkozy, près de son QG de campagne à Paris. "Il n'y a aucune raison que les Syriens n'aient pas le droit de vivre leur vie, de choisir leur destin librement", a-t-il affirmé.
Le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, a exigé l'arrêt immédiat des attaques et le respect des obligations humanitaires. Le chef de la diplomatie française réclame en outre des autorités syriennes un accès sécurisé et médicalisé pour porter secours aux victimes, avec le soutien de la Croix-Rouge. L'ambassadrice de Syrie à Paris sera convoquée et la France lui rappellera "le caractère intolérable du comportement du gouvernement syrien", a assuré le Quai d'Orsay. "Plus que jamais la France est déterminée à agir pour que cesse la sauvage répression dont est victime chaque jour le peuple syrien."
"106 JOURNALISTES TUÉS"
De son côté, le ministre de l'information, Adnane Mahmoud, a affirmé que les autorités n'étaient "pas au courant" de la présence des journalistes étrangers tués."Notre ministère n'est pas au courant de leur entrée ou de leur présence sur le territoire syrien. Nous avons demandé aux autorités compétentes à Homs de les rechercher", a-t-il déclaré. Les Etats-Unis ont également réagi mercredi en dénonçant la "brutalité" du régime de Bachar Al-Assad, alors que roi d'Arabie saoudite a déclaré au président russe que tout dialogue dans le pays était "vain". La Russie a condamné fermement ces attaques.
Le socialiste François Hollande a quant à lui fait part de sa "très grande émotion"."Cette disparition me touche d'autant plus que Rémi Ochlik, qui était accrédité auprès de la campagne, était encore parmi nous il y a quelques jours", ajoute le candidat à la présidentielle, en exprimant "toute sa solidarité" à la famille et aux proches du photographe. "Je veux également partager l'émotion qui étreint toute une profession", a-t-il poursuivi.
"Il y a eu 106 journalistes tués cette année" en Syrie, a rappelé le ministre de la culture. Le 11 janvier, le grand reporter français Gilles Jacquier était le premier journaliste occidental tué en Syrie depuis le début de la révolte. Il est mort à Homs lors d'un voyage autorisé par les autorités, qui restreignent drastiquement les mouvements des journalistes dans le pays. Aucun témoin sur place n'a pu établir si l'obus qui l'a tué avait été tiré par un rebelle ou s'il s'agissait d'un tir de l'armée.
>> Lire le point de vue : "Qui a tué Gilles Jacquier en Syrie ?"