Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
Les bureaux de vote ont ouvert dimanche 1er avril en Birmanie pour des élections partielles historiques qui devraient permettre à l'opposante Aung San Suu Kyi d'entrer au parlement après quinze années passées en résidence surveillée.
La Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, a annoncé que l'opposante avait remporté haut la main un siège de députée, pour la première fois de sa carrière politique, à Kawhmu, une circonscription rurale à deux heures de Rangoun.
La lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, qui s'imposerait avec "82% des voix", affrontait le verdict des urnes pour la première fois de sa vie. Le LND assure être en tête dans les 44 circonscriptions où elle se présente. Les premiers résultats officiels sont attendus en fin d'après-midi. Un total de 45 sièges sont en jeu dans tout le pays, dont 44 brigués par la LND d'Aung San Suu Kyi : 37 à la chambre basse du parlement, six à la chambre haute et deux dans des chambres régionales.
IRRÉGULARITÉS
Plus tôt dans la journée, la LND avait dénoncé des irrégularités dans des bureaux de vote. "C'est le cas partout dans le pays, la commission électorale est responsable de ce qui se passe", a déclaré Nyan Win, porte-parole de la LND. "La principale plainte concerne de la cire sur les bulletins, à côté du nom du candidat de la LND", a-t-il ajouté, laissant supposer que la cire pouvait être ensuite enlevée et le vote ainsi annulé.
Malgorzata Wasilewska, responsable de l'Union européenne invitée à observer le scrutin, a indiqué que les élections partielles ont montré des signes "très encourageants" dans les bureaux qu'elle a pu visiter à Rangoun, même si "ce n'est sûrement pas suffisant pour supposer que c'est significatif de la façon dont les choses se sont passées dans le reste du pays". Bruxelles ne considère pas l'invitation lancée par les autorités birmanes à venir assister au scrutin comme une véritable mission d'observation
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Le gouvernement, composé d'anciens militaires réformateurs arrivés au pouvoir il y a un an, tente de prouver que ses réformes politiques sont sincères et peuventjustifier la levée des sanctions occidentales qui étranglent l'économie du pays. Au terme d'un processus de transition non violent et sous contrôle de l'armée, cette nouvelle équipe a proposé à Aung San Suu Kyi d'intégrer l'échiquier politique officiel. Selon tous les analystes, le gouvernement a lui-même intérêt à voirl'opposante triompher sous le regard de la communauté internationale.
"NOTRE MÈRE EST DE RETOUR"
Aung San Suu Kyi a dénoncé une campagne pleine d'irrégularités. Mais elle a aussi revendiqué le besoin de participer - donc de légitimer - le processus en cours pour changer les choses de l'intérieur. "Une fois au parlement, nous pourrons travailler pour une véritable démocratisation", a-t-elle justifié vendredi. Après avoir mis un terme à ses déplacements il y a quelques jours à la suite de problèmes de santé mineurs, l'opposante a quitté samedi sa maison de Rangoun pour rejoindre Kawhmu.
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Après des années à dissimuler leur soutien pour une femme devenue une icône de la résistance à la junte, ses partisans laissaient depuis quelques semaines éclater leur joie. La chanson "Notre mère est de retour" est ainsi devenue un tube de campagne. Et sur les trottoirs, les habitants étaient visiblement heureux depouvoir enfin exprimer librement leur soutien.
L'OPPORTUNITÉ "RATÉE" DE 1990
Aung San Suu Kyi avait triomphé aux élections de 1990, sans que la junte ne reconnaisse jamais les résultats. Elle était en résidence surveillée vingt ans plus tard, en novembre 2010, lors de législatives boycottées par la LND et qualifiées de mascarade par l'Occident. "Le processus électoral de 2010 (...) a représenté une opportunité ratée (...) Cela ne doit pas se reproduire alors que la Birmanie entre dans une ère nouvelle et plus ouverte", a estimé dans un communiqué l'envoyé spécial de l'ONU sur les droits de l'homme en Birmanie, Tomas Ojea Quintana.
La LND vise une victoire dans les 44 circonscriptions où elle se présente. Mais si le charisme et l'expérience de sa chef de file semblent inébranlables, certains de ses autres candidats sont opposés à des leaders fortement implantés localement, notamment dans les zones ethniques des confins du pays.
Quels que soient les résultats, le pouvoir n'a pour sa part rien à craindre de ces élections partielles. Le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), créé de toutes pièces par l'ancienne junte, avait revendiqué environ 80 % des sièges en 2010. Et un quart des parlementaires sont, en vertu de la Constitution, des militaires d'active désignés en marge du processus électoral.