Londres et Paris relancent leur coopération militaire
Mots clés : Grande-Bretagne, Coopération Militaire, Drone De Combat, Nicolas Sarkozy, David Cameron
Par Isabelle LasserreMis à jour | publié Réactions (55)
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Le chef de l'État, Nicolas Sarkozy, reçoit le premier ministre britannique, David Cameron, à l'Élysée, le 2 décembre dernier. Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro
L'axe franco-britannique envisage de développer un drone de combat furtif.
Londres et Paris resserrent leurs liens militaires. Réunis en sommet pour concrétiser leur partenariat en matière de défense, David Cameron et Nicolas Sarkozy devraient annoncer vendredi le lancement d'un drone de combat furtif.
Le 2 novembre 2010, Paris et Londres avaient signé à Londres les accords de Lancaster House, un pacte sans précédent prévoyant un rapprochement des dissuasions nucléaires et des projets dans le domaine conventionnel, notamment par la création d'un corps expéditionnaire commun. La France et la Grande-Bretagne, qui fournissent à elles seules 60% des dépenses militaires de l'UE et ont des cultures stratégiques très proches, espéraient grâce à cette coopération bilatérale atténuer les effets des coupes budgétaires induites par la crise. Et demeurer ainsi des acteurs géopolitiques de rang mondial, dotés d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, d'un statut nucléaire et d'une diplomatie planétaire.
Le désintérêt relatif manifesté vis-à-vis de l'Europe par les États-Unis, dont le recentrage stratégique vers l'Asie pourrait peser sur la «relation spéciale» qui unit Washington et Londres, comme le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan ont largement facilité la gestation de cette nouvelle «entente cordiale» basée sur le pragmatisme. La mise entre parenthèses, pour manque de résultats, de l'Europe de la défense, poussée pendant de longues années par Paris, mais refusée par Londres, a aussi joué. «Le fait que l'approche bilatérale ait primé sur le multilatéral a été essentiel. La majorité des Britanniques considèrent en effet que l'Europe de la Défense est une distraction stratégique qui n'a pas fait ses preuves sur le terrain. Le traité de Lancaster permettait de faire de l'européen sans Union européenne», expliquait récemment Alastair Cameron, du Royal United Services Institute (Rusi), à l'occasion d'un colloque de l'Institut français des relations internationales. Afin de ne pas braquer Londres, Paris avait même accepté de mettre sous le boisseau son idée de quartier général autonome européen, érigée en «ligne rouge» par les Britanniques.
Mais si la coopération sur le nucléaire, c'est-à-dire le partage des laboratoires pour tester les armements atomiques, a bien progressé depuis novembre 2010, les projets dans le domaine conventionnel ont eu plus de mal à se concrétiser. Le climat franco-britannique a été alourdi par les divergences sur la crise depuis que Londres a rejeté, en décembre, le nouveau traité européen d'inspiration franco-allemande. En Grande-Bretagne, les armées, épuisées par leur engagement en Irak et en Afghanistan, démoralisées par les nouvelles restrictions budgétaires, n'ont pas toujours investi l'énergie nécessaire. Initialement prévu en décembre, le sommet avait d'ailleurs été annulé au dernier moment.
Londres s'est aussi dressé contre la tentation française d'attirer l'Allemagne pacifiste, antinucléaire et rétive au combat sur le terrain, dans les projets de défense franco-britanniques. «Les Britanniques sont à des années-lumière d'envisager un rapprochement avec l'Allemagne, avec qui ils ont été enfermés dans un dialogue de sourds en Afghanistan», explique Alastair Cameron. Berlin a aussi refusé de participer aux opérations en Libye.
Vu de Londres, la seule relation trilatérale acceptable en matière de défense ne peut être formée que de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis. «Nous sommes dans une situation digne d'Andromaque. X aime Y qui aime Z et ça ne marche pas bien. Politiquement et historiquement, la France aurait aimé s'entendre avec l'Allemagne sur les questions de défense. Mais cela n'est pas possible. Le mariage de raison se fait donc avec la Grande-Bretagne», résume le chercheur de l'Ifri Étienne de Durand.
La question est désormais selon lui de savoir «comment faire pour isoler la relation de défense franco-britannique des aléas politiques», de la préserver des échéances électorales notamment. La chercheuse allemande Claudia Mayor de la SWP, avance une autre vision: «Outre-Rhin et outre-Manche sont les deux faces d'une même pièce. La France rêve d'un partenaire idéal qui aurait la culture stratégique de la Grande-Bretagne et l'approche politique de l'Allemagne. Mais un tel partenaire n'existe pas. Pour éviter de perdre notre capacité d'action militaire et notre influence politique, il faudra bien nous unir.»
Le 2 novembre 2010, Paris et Londres avaient signé à Londres les accords de Lancaster House, un pacte sans précédent prévoyant un rapprochement des dissuasions nucléaires et des projets dans le domaine conventionnel, notamment par la création d'un corps expéditionnaire commun. La France et la Grande-Bretagne, qui fournissent à elles seules 60% des dépenses militaires de l'UE et ont des cultures stratégiques très proches, espéraient grâce à cette coopération bilatérale atténuer les effets des coupes budgétaires induites par la crise. Et demeurer ainsi des acteurs géopolitiques de rang mondial, dotés d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, d'un statut nucléaire et d'une diplomatie planétaire.
Le désintérêt relatif manifesté vis-à-vis de l'Europe par les États-Unis, dont le recentrage stratégique vers l'Asie pourrait peser sur la «relation spéciale» qui unit Washington et Londres, comme le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan ont largement facilité la gestation de cette nouvelle «entente cordiale» basée sur le pragmatisme. La mise entre parenthèses, pour manque de résultats, de l'Europe de la défense, poussée pendant de longues années par Paris, mais refusée par Londres, a aussi joué. «Le fait que l'approche bilatérale ait primé sur le multilatéral a été essentiel. La majorité des Britanniques considèrent en effet que l'Europe de la Défense est une distraction stratégique qui n'a pas fait ses preuves sur le terrain. Le traité de Lancaster permettait de faire de l'européen sans Union européenne», expliquait récemment Alastair Cameron, du Royal United Services Institute (Rusi), à l'occasion d'un colloque de l'Institut français des relations internationales. Afin de ne pas braquer Londres, Paris avait même accepté de mettre sous le boisseau son idée de quartier général autonome européen, érigée en «ligne rouge» par les Britanniques.
Une «compétitivité complémentaire»
L'opération militaire en Libye, sur laquelle Paris et Londres ont exercé leur leadership, a concrétisé de manière spectaculaire les ambitions de Lancaster. Unis par une même culture de l'emploi de la force militaire, les deux pays ont manifesté une «compétitivité complémentaire» qui leur a permis d'obtenir, avec l'aide des Américains, un succès militaire. «Sans la Libye, beaucoup, en Grande-Bretagne, auraient remis en cause la relation nouée à Lancaster», poursuit Alastair Cameron.Mais si la coopération sur le nucléaire, c'est-à-dire le partage des laboratoires pour tester les armements atomiques, a bien progressé depuis novembre 2010, les projets dans le domaine conventionnel ont eu plus de mal à se concrétiser. Le climat franco-britannique a été alourdi par les divergences sur la crise depuis que Londres a rejeté, en décembre, le nouveau traité européen d'inspiration franco-allemande. En Grande-Bretagne, les armées, épuisées par leur engagement en Irak et en Afghanistan, démoralisées par les nouvelles restrictions budgétaires, n'ont pas toujours investi l'énergie nécessaire. Initialement prévu en décembre, le sommet avait d'ailleurs été annulé au dernier moment.
Londres s'est aussi dressé contre la tentation française d'attirer l'Allemagne pacifiste, antinucléaire et rétive au combat sur le terrain, dans les projets de défense franco-britanniques. «Les Britanniques sont à des années-lumière d'envisager un rapprochement avec l'Allemagne, avec qui ils ont été enfermés dans un dialogue de sourds en Afghanistan», explique Alastair Cameron. Berlin a aussi refusé de participer aux opérations en Libye.
Vu de Londres, la seule relation trilatérale acceptable en matière de défense ne peut être formée que de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis. «Nous sommes dans une situation digne d'Andromaque. X aime Y qui aime Z et ça ne marche pas bien. Politiquement et historiquement, la France aurait aimé s'entendre avec l'Allemagne sur les questions de défense. Mais cela n'est pas possible. Le mariage de raison se fait donc avec la Grande-Bretagne», résume le chercheur de l'Ifri Étienne de Durand.
La question est désormais selon lui de savoir «comment faire pour isoler la relation de défense franco-britannique des aléas politiques», de la préserver des échéances électorales notamment. La chercheuse allemande Claudia Mayor de la SWP, avance une autre vision: «Outre-Rhin et outre-Manche sont les deux faces d'une même pièce. La France rêve d'un partenaire idéal qui aurait la culture stratégique de la Grande-Bretagne et l'approche politique de l'Allemagne. Mais un tel partenaire n'existe pas. Pour éviter de perdre notre capacité d'action militaire et notre influence politique, il faudra bien nous unir.»