Attirés par l’argent que brasse la première division marocaine, de nombreux joueurs subsahariens tentent leur chance. Mais très peu réussissent.
26.01.2012 | Clair Rivière | TelQuel
© Dessin de Vlahovic, Belgrade.
Dans les rues de Tanger, Samuel joue au guide touristique informel à défaut de jouer au football. Depuis deux ans, ce Camerounais cherche le club qui lui confiera un poste d’avant-centre, et un salaire digne de ce nom. De quoi vivre correctement et mettre de côté le pécule avec lequel il pourrait investir dans une affaire quelconque une fois de retour au pays. Mais, en attendant, il faut bien vivre. Entre pensions à 2,5 euros la nuit et petites chambres en colocation, Samuel vivote, sans grand espoir, à l’instar des milliers de migrants qui rêvent d’Europe. Son histoire est celle de centaines, voire de milliers de footballeurs subsahariens venus chercher gloire et fortune au sein de la Botola [championnat d’élite de football du Maroc] sans avoir jamais réussi à percer.
Samuel, c’est un pseudonyme. Il l’a choisi en référence à Eto’o, l’ancien attaquant camerounais de Barcelone et de l’Inter de Milan, son idole. Une star planétaire qui, comme l’Ivoirien Didier Drogba (qui joue à Chelsea), fait rêver des milliers d’enfants pauvres avec les millions qu’il a gagnés en Europe. Une fortune qui tranche avec la réalité du football subsaharien, où l’argent se fait encore rare. “Au Cameroun, je jouais en deuxième division, chez les Dragons de Yaoundé. Je ne touchais aucun salaire, confie Samuel. Et, même si j’étais passé en première division, combien aurais-je gagné ? 100 euros par mois ?”
Un marché saturé
C’est au début de l’année 2010 qu’il se prend à des envies d’ailleurs. Il faut trouver une destination. Vu la difficulté d’obtenir un visa pour l’Europe, il se rabat sur le Maroc, sur le conseil d’un ami commerçant qui fait des allers-retours fréquents entre les deux pays. “Là-bas, les joueurs sont bien payés, et il y a de bonnes infrastructures”, dit-il à Samuel, qui prend alors la candidature du Maroc à l’organisation de la Coupe de monde 2010 comme une confirmation des dires du commerçant. Sans plus se renseigner, il achète un billet d’avion. Ce n’est qu’à l’atterrissage à Casablanca qu’il se rend compte que l’eldorado footballistique rêvé ne s’atteint pas si facilement.
Cruel constat qu’ont également fait les victimes des faux agents, des arnaqueurs qui – moyennant finance – promettent à ces jeunes joueurs naïfs de leur trouver un club dès la sortie de l’aéroport. Casablanca, Marrakech, Fès… Samuel fait le tour des villes, le tour des clubs, où il apprend que le nombre de joueurs étrangers dans chaque équipe est soumis à une limitation et que la plupart des places sont déjà prises. “Au Moghreb de Tétouan, ils m’ont fait faire un test, affirme-t-il. A la fin, ils voulaient me garder, mais, comme ils avaient déjà atteint leur quota d’étrangers, ils n’ont pas pu me prendre.” Il passe un autre test, à Marrakech, sans plus de succès. Il tente aussi de contacter de vrais agents de joueurs, mais la piste n’aboutit pas. “Ils te donnent rendez-vous, te disent qu’ils vont te rappeler, mais ils ne rappellent jamais”, raconte-t-il, blasé.
Adama, son ami malien, qui a voyagé jusqu’à Tanger par la voie terrestre, pointe un autre problème. “Il est 16 heures, et depuis ce matin je n’ai rien mangé. Dans ces conditions, comment s’entraîner pour rester en forme ?” se demande-t-il. Aujourd’hui, tous deux ont renoncé à jouer au football au Maroc. Adama espère devenir commerçant. Quant à Samuel, il ne rêve plus que du mariage blanc qui lui permettrait de rejoindre l’Europe.
Des salaires au rabais
Avant de renoncer, certains ont failli réussir. C’est le cas de Cyril, un milieu défensif ivoirien. “On m’a proposé de rejoindre les espoirs du Wydad de Fès, mais j’ai refusé. On ne me proposait aucun salaire, aucun logement, juste une prime de quelques centaines de dirhams par match gagné”, se souvient-il. Démoralisé, il a vite mis un terme à ses recherches, et travaille aujourd’hui dans un centre d’appels, à Fès [nord du pays].
En se rabattant sur les divisions inférieures du football amateur, Lenoir, un autre Ivoirien, est parvenu à intégrer des clubs. Mais, à cause de conditions salariales insuffisantes, il a mis un terme à l’expérience. Il se rappelle une équipe où il touchait “200 dirhams par-ci, 300 dirhams par-là [18 à 27 euros]. Je n’avais pas de salaire fixe.” Certains s’en arrangent, comme Brahim, lui aussi ivoirien, qui s’accroche à son équipe de troisième division (amateur) et à ses 1 500 dirhams mensuels [135 euros], “l’un des meilleurs salaires du club, mais qui arrive souvent en retard”. “Je ne peux pas dire que j’en sois content, commente-t-il. Mais, compte tenu de la situation, je n’ai pas le choix. C’est déjà bien de pouvoir jouer.”
Tremplin vers l’Europe
La configuration du marché – beaucoup de demandeurs, peu de postes – ouvre la porte à tous les abus (non-respect des contrats, non-paiement des salaires, etc.), que les joueurs ne sont pas en position de contester. Une situation dont se plaint cet autre Subsaharien, pourtant beaucoup mieux loti, qui joue dans un club de deuxième division. Avec les primes, il arrive à gagner “3 500 à 4 000 dirhams par mois [315 à 360 euros]”,mais n’a signé qu’un “contrat saisonnier de six mois”. Il est prêt à parier qu’en cas de blessure son contrat ne sera pas renouvelé, et que son club ne le soutiendra pas. “La seule chose qui me retienne ici, c’est, j’espère, me faire repérer par des recruteurs occidentaux ou orientaux, explique-t-il. Ils viennent beaucoup plus souvent ici qu’en Afrique centrale.” Le Maroc, tremplin vers l’Europe ou le Moyen-Orient ? C’est le souhait de beaucoup. Ça reste l’objectif de Patrick Tchouandop Nantchouang, un des rares Subsahariens inconnus à avoir réussi à atteindre la Botola 1 après un passage par le monde amateur. Arrivé du Cameroun à l’âge de 19 ans, sur le conseil d’un manager non homologué, il intègre malgré tout l’équipe amateur d’Amal Souk Sebt (troisième division), où il passe trois ans, avant d’être repéré par un autre agent, qui le fait signer à la Jeunesse sportive d’Al-Massira. L’attaquant y a entamé sa deuxième saison, et son téléphone n’arrête pas de sonner. Qui est au bout du fil ? “Des amis africains qui galèrent et qui me demandent de les aider à trouver un club, confie-t-il. Je fais ce que je peux, mais je ne suis pas manager.
”
Samuel, c’est un pseudonyme. Il l’a choisi en référence à Eto’o, l’ancien attaquant camerounais de Barcelone et de l’Inter de Milan, son idole. Une star planétaire qui, comme l’Ivoirien Didier Drogba (qui joue à Chelsea), fait rêver des milliers d’enfants pauvres avec les millions qu’il a gagnés en Europe. Une fortune qui tranche avec la réalité du football subsaharien, où l’argent se fait encore rare. “Au Cameroun, je jouais en deuxième division, chez les Dragons de Yaoundé. Je ne touchais aucun salaire, confie Samuel. Et, même si j’étais passé en première division, combien aurais-je gagné ? 100 euros par mois ?”
Un marché saturé
C’est au début de l’année 2010 qu’il se prend à des envies d’ailleurs. Il faut trouver une destination. Vu la difficulté d’obtenir un visa pour l’Europe, il se rabat sur le Maroc, sur le conseil d’un ami commerçant qui fait des allers-retours fréquents entre les deux pays. “Là-bas, les joueurs sont bien payés, et il y a de bonnes infrastructures”, dit-il à Samuel, qui prend alors la candidature du Maroc à l’organisation de la Coupe de monde 2010 comme une confirmation des dires du commerçant. Sans plus se renseigner, il achète un billet d’avion. Ce n’est qu’à l’atterrissage à Casablanca qu’il se rend compte que l’eldorado footballistique rêvé ne s’atteint pas si facilement.
Cruel constat qu’ont également fait les victimes des faux agents, des arnaqueurs qui – moyennant finance – promettent à ces jeunes joueurs naïfs de leur trouver un club dès la sortie de l’aéroport. Casablanca, Marrakech, Fès… Samuel fait le tour des villes, le tour des clubs, où il apprend que le nombre de joueurs étrangers dans chaque équipe est soumis à une limitation et que la plupart des places sont déjà prises. “Au Moghreb de Tétouan, ils m’ont fait faire un test, affirme-t-il. A la fin, ils voulaient me garder, mais, comme ils avaient déjà atteint leur quota d’étrangers, ils n’ont pas pu me prendre.” Il passe un autre test, à Marrakech, sans plus de succès. Il tente aussi de contacter de vrais agents de joueurs, mais la piste n’aboutit pas. “Ils te donnent rendez-vous, te disent qu’ils vont te rappeler, mais ils ne rappellent jamais”, raconte-t-il, blasé.
Adama, son ami malien, qui a voyagé jusqu’à Tanger par la voie terrestre, pointe un autre problème. “Il est 16 heures, et depuis ce matin je n’ai rien mangé. Dans ces conditions, comment s’entraîner pour rester en forme ?” se demande-t-il. Aujourd’hui, tous deux ont renoncé à jouer au football au Maroc. Adama espère devenir commerçant. Quant à Samuel, il ne rêve plus que du mariage blanc qui lui permettrait de rejoindre l’Europe.
Des salaires au rabais
Avant de renoncer, certains ont failli réussir. C’est le cas de Cyril, un milieu défensif ivoirien. “On m’a proposé de rejoindre les espoirs du Wydad de Fès, mais j’ai refusé. On ne me proposait aucun salaire, aucun logement, juste une prime de quelques centaines de dirhams par match gagné”, se souvient-il. Démoralisé, il a vite mis un terme à ses recherches, et travaille aujourd’hui dans un centre d’appels, à Fès [nord du pays].
En se rabattant sur les divisions inférieures du football amateur, Lenoir, un autre Ivoirien, est parvenu à intégrer des clubs. Mais, à cause de conditions salariales insuffisantes, il a mis un terme à l’expérience. Il se rappelle une équipe où il touchait “200 dirhams par-ci, 300 dirhams par-là [18 à 27 euros]. Je n’avais pas de salaire fixe.” Certains s’en arrangent, comme Brahim, lui aussi ivoirien, qui s’accroche à son équipe de troisième division (amateur) et à ses 1 500 dirhams mensuels [135 euros], “l’un des meilleurs salaires du club, mais qui arrive souvent en retard”. “Je ne peux pas dire que j’en sois content, commente-t-il. Mais, compte tenu de la situation, je n’ai pas le choix. C’est déjà bien de pouvoir jouer.”
Tremplin vers l’Europe
La configuration du marché – beaucoup de demandeurs, peu de postes – ouvre la porte à tous les abus (non-respect des contrats, non-paiement des salaires, etc.), que les joueurs ne sont pas en position de contester. Une situation dont se plaint cet autre Subsaharien, pourtant beaucoup mieux loti, qui joue dans un club de deuxième division. Avec les primes, il arrive à gagner “3 500 à 4 000 dirhams par mois [315 à 360 euros]”,mais n’a signé qu’un “contrat saisonnier de six mois”. Il est prêt à parier qu’en cas de blessure son contrat ne sera pas renouvelé, et que son club ne le soutiendra pas. “La seule chose qui me retienne ici, c’est, j’espère, me faire repérer par des recruteurs occidentaux ou orientaux, explique-t-il. Ils viennent beaucoup plus souvent ici qu’en Afrique centrale.” Le Maroc, tremplin vers l’Europe ou le Moyen-Orient ? C’est le souhait de beaucoup. Ça reste l’objectif de Patrick Tchouandop Nantchouang, un des rares Subsahariens inconnus à avoir réussi à atteindre la Botola 1 après un passage par le monde amateur. Arrivé du Cameroun à l’âge de 19 ans, sur le conseil d’un manager non homologué, il intègre malgré tout l’équipe amateur d’Amal Souk Sebt (troisième division), où il passe trois ans, avant d’être repéré par un autre agent, qui le fait signer à la Jeunesse sportive d’Al-Massira. L’attaquant y a entamé sa deuxième saison, et son téléphone n’arrête pas de sonner. Qui est au bout du fil ? “Des amis africains qui galèrent et qui me demandent de les aider à trouver un club, confie-t-il. Je fais ce que je peux, mais je ne suis pas manager.
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