En un instant, le déplacement de Nicolas Sarkozy de ce jeudi dans la Marne se réduit à une vidéo : la scène du « couillon ». On ne vous la refait pas. Que dit-elle ?
Le journaliste-bashing est devenue monnaie courante chez les politiques, même si ce jour-là, le ton se veut badin voire complice – rien à voir avec le registre du « casse toi pauvre con » du Salon de l’Agriculture. A droite comme à gauche. Il passe d’ailleurs souvent comme une lettre à la poste. Comme Jean-François Copé qui à la tribune, à Villepinte, cogne sur les journalistes. Comme Jean-Luc Mélenchon qui s’amuse à leur hurler dessus à chaque occasion. Ou comme Martine Aubry qui adore les vanner. Les politiques aimeraient une presse qui se contente de les citer. C’est bien ce que nous a dit sans ciller NKM, porte-parole du candidat Sarkozy, lorsson second point presse au QG de campagne, invitant la presse à « relire le discours de Bordeaux qui est très équilibré, à le citer plutôt qu’à l’interpréter ».
Les journalistes sont devenus des acteurs du « storytelling » des politiques. Souvent à leur corps défendant. Hier la scène est tournée dans l’usine le Bronze industriel à Suippes, dans la Marne. Il s’agit d’une discussion entre Nicolas Sarkozy et des reporters. Elle commence par une discussion avec un journaliste de LCI. La discussion, bien que portant sur l’actualité (les échauffourées le matin devant le QG de campagne de Nicolas Sarkozy), n’est pas censée être filmée puisque ce reporter de télé ne l’interview pas face caméra. Les objectifs des photographes et les autres caméras, eux, se trouvent à deux mètres. Le staff de campagne tient d’ailleurs à distance les perches en les relevant régulièrement. Comment peut-on alors avoir le son ? Parce que l’un des journalistes présents dans la discussion a un micro main.
Le reportage fini dans l’usine, il envoie les images de l’ensemble de la séquence à sa chaîne d’info mais demande expressément que cette partie du tournage, parce qu’il s’agit d’un off, ne soit pas diffusée. La rédaction de Paris en décide autrement. Tant pis pour le journaliste traité de « couillon ». Il n’a pas son mot à dire. Personne ne lui demande son avis. Comme personne ne demande aux journalistes s’ils ont envie d’apparaitre sur les documentaires de campagne réalisés au plus près des candidats, à gauche comme à droite. D’où cette difficulté à exercer un métier d’observation si l’on devient soi-même acteur d’un film, d’une histoire, écrit par d’autres et pour d’autres.
Le staff de campagne redoutait sûrement, au moment où Nicolas Sarkozy connaît une embellie dans les sondages, un nouvel épisode type « casse toi pauvre con ». Or en moins de deux, les images de la scène tournent en boucle sur les chaînes d’infos en continue. Et sont reprises sur le Net. Or l’équipe de campagne du candidat est particulièrement attentive à ces chaînes. Pourquoi ? Quand tout va bien, c’est parfait, elles répètent en boucle le message à intervalle régulier. Quand tout va mal, c’est l’arroseur arrosé. Le grain de sable de la campagne, comme les images de Nicolas Sarkozy chahuté à Bayonne, reviennent indéfiniment à occurrence régulière. Impossible d’y échapper.
Rapidement, hier, les images ont cessé d’être diffusées sur les chaînes I-Télé et BFM. Une rumeur, laissait entendre après le discours de Nicolas Sarkozy que c’était la conséquence d’un coup de fil, furieux, de Franck Louvrier, responsable de la communication de Nicolas Sarkozy, aux chaînes incriminées. Joint par les Inrocks, celui-ci a démenti catégoriquement. Trop tard, pourtant, la machine médiatique s’était emballée.