Il y a le buzz d’Internet. Ceux qui s’indignent de ce que Nicolas Sarkozy a traité un journaliste de "couillon", qui l’interrogeait sur la gêne que provoquaient les gaz lacrymogènes utilisés contre les ouvriers de Florange qui voulaient être reçus au QG du candidat à Paris.
En réalité, l’ambiance est toute autre. Nicolas Sarkozy est dans une opération de séduction éhontée de la presse, qui l’accompagne chaque jour plus nombreuse et s’intéresse de plus en plus à ses propos depuis qu’il remonte dans les sondages. Ainsi en a-t-il été de la visite dans la fonderie de Suippes, jeudi 15 mars, dans la Marne.
Sans cesse, le chef de l’Etat cherche les journalistes, tandis que les chaînes d’information continuent de diffuser ses propos. La tactique, c’est effectivement de jouer le peuple contre les corps intermédiaires. En développant un amour vache avec l’un d’entre eux, la presse. Sarkozy satisfait donc les journalistes, leur donne de la matière, les nourrit de déclarations.
Les délégués CGT et CFDT ont été repoussés par des gaz lacrymogènes. Sarkozy attaque dès son arrivée. "Que les syndicalistes défendent les syndiqués et ne fassent pas de politique et la CGT se portera mieux (...). Je dis aux vrais salariés de Florange, ceux qui travaillent, que je suis à leur disposition", explique le président, qui ajoute : "Les gaz lacrymogènes, c'est jamais bien mais je ne suis pas décidé à laisser casser quoi que ce soit... Cela vaut pour la CGT, pour les syndicalistes comme pour les politiques".
Il s’en va, lance une perche, mettant en appétit la presse sur François Hollande. Allez, on y va, un petit couplet contre le candidat socialiste. "Dites moi, j'ai l'impression qu'il y a des candidats qui s'énervent, il ne doit pas faire bon pour tout le monde", explique M. Sarkozy, qui grimace sur François Hollande, lequel résiste mal aux sondages à la baisse.
L’on pénètre dans l’usine, plus à la rencontre permanente de la presse que des ouvriers. La course au direct que livrent les chaînes d’information, les agences et les journalistes sur Twitter sont utilisés par le candidat qui utilise ces canaux pour diffuser ses messages en direct, sans intermédiaire.
L’envoyé spécial de Libération a droit à une attaque sur l'édition matinale du quotidien réalisée par des écrivains, qui ne cite jamais son nom, l’appelle l'Ui, sorte de tyran brechtien.
Sans cesse, le président noue le contact, implique les journalistes, leur serre la main. Au "couillon", il demande son âge. A un autre, il dit "votre candidat" pour parler de François Hollande. A la sortie d’un café, on l’interroge sur la dernière proposition, celui de réformer le droit au congé parental. Il vous serre la main, même si on le sait agacé par votre activité sur Twitter et vous fait remarquer gentiment que "Vous avez des enfants, vous aussi".
Avant de quitter ses hôtes dans un café, Nicolas Sarkozy a assuré : "Je ne parle pas pour les journalistes, les observateurs. Je parle pour que chacun d’entre vous sache. Je ne joue pas la comédie, je suis tel que je suis, je n’ai pas deux discours".
Le discours anti-presse, contre l'entre-soi des élites et pour le peuple, passe par la séduction... des journalistes.