Affaire Woerth : l'ex-ministre aurait bel et bien "bradé" l'hippodrome de Compiègne
Selon un rapport d'expert cité par Mediapart, Eric Woerth, soupçonné de "prise illégale d'intérêt", aurait permis la vente d'une parcelle appartenant à l'Etat au tiers de son prix.
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Alors qu'il effectuait un retour discret sur la scène politico-médiatique, cela faisait longtemps que l'on n'avait plus entendu parler d'Eric Woerth pour ses démêlés judiciaires, dans le cadre de l'affaire Bettencourt et de supposés financements illégaux de l'UPM, ou pour celle de l'hippodrome de Compiègne, qui, mises bout à bout, lui avaient coûté son portefeuille ministériel en novembre 2010. Non pas qu'il ait été jugé coupable de quoi que ce soit, mais pour couper court à la polémique…
Selon un rapport cité par Mediapart, le terrain valait le triple...
C'était sans compter sur Mediapart, qui, s'appuyant sur un rapport d'expert remis à la Cour de justice de la République, a affirmé, samedi 21 janvier, que dans le dossier de Compiègne, pour lequel il fait l'objet d'une enquête pour "prise illégale d'intérêt", M. Woerth a bel et bien "bradé" une parcelle d'une forêt domaniale, autrement dit appartenant à l'Etat, cédée de gré à gré à un acteur privé, la Société des courses de Compiègne, qui exploite l'hippodrome situé sur ce terrain.
La parcelle en question de la forêt de Compiègne, qui abrite également un golf, mesure 57 hectares et a été vendue en mars 2010 pour 2,5 millions d'euros, avec la bénédiction de l'ancien ministre du Budget. C'est trois fois moins, écrit le site d'information, que la valeur estimée de ce terrain, selon des experts dont Mediapart cite le rapport sans le reproduire. Le différentiel est bien moindre que celui annoncé en août dernier par le Canard Enchaîné, qui avait révélé cette affaire un an plus tôt, mais il reste substantiel.
Selon l'avocat de Woerth, le même rapport témoigne de sa bonne foi
Paradoxalement ou pas, Me Jean-Yves Le Borgne, l'avocat de l'ancien ministre, qui a réagi auprès de l’AFP, s'appuie sur ce même rapport, auquel il a eu accès hier, pour défendre son client. Selon lui, ce document prouve au contraire que la transaction était régulière. Affirmant à l'agence de presse que la "présentation [de Mediapart] est tendancieuse", il retient que les experts sollicités ont confirmé dans leur compte-rendu "l'évaluation de l'administration concernant la valeur du terrain, entre 2,5 et 2,7 millions d'euros".
Par ailleurs, ne nie pas Me Le Borgne, les experts ont établi "qu'avec les bâtiments édifiés, les terrains ont une valeur trois fois supérieure", mais il ajoute, et c'est là sa carte maîtresse, que les constructions en question sont le fait de la société qui exploitait déjà ce terrain et s'en est donc rendu propriétaire.
"On n'allait pas faire payer deux fois l'acquéreur", poursuit l'avocat, qui estime que "l'évaluation" du bien effectuée à l'époque de la vente par l'administration colle ainsi parfaitement avec les conclusions de l'expertise dont dispose la Cour de justice de la République (CJR).
De toutes les façons, à Mediapart qui, sur la foi de ces nouveaux éléments, avance l'hypothèse d'une mise en examen de M. Woerth, son avocat répond que "la discussion en cours est financière et n'a rien à voir avec une quelconque faute pénale".
Les suites de l'affaire devant la CJR et la justice "ordinaire"...
Pour l'heure, Eric Woerth, qui est maire de Chantilly et a récupéré son siège de député de l'Oise, est témoin assisté dans cette affaire, un statut intermédiaire moins lourd qu'une mise en examen. C'est à ce titre qu'il a été entendu par la CJRle 4 mai dernier.
Au terme de l'enquête menée par la commission d'instruction de cette instance, constituée de parlementaires et de juges de la Cour de cassation, il sera soit décidé d'un non-lieu, soit de renvoyer M. Woerth devant la formation de jugement de la CJR, qui a pour vocation de juger les crimes et délits éventuellement commis par des ministres dans l'exercice de leur fonction.
Par ailleurs, même blanchi par cette juridiction, il est à noter que M. Woerth n'en resterait pas moins dans le collimateur des juges du pôle financier du Tribunal de grande instance de Paris, qui eux enquêtent sur le volet "non ministériel" de l'affaire…