La Réunion: la vie chère sert de prétexte à une seconde nuit d'émeute
Créé le 23-02-2012 à 16h10 - Mis à jour à 16h31 Réagir
SAINT-DENIS, La Réunion (AP) — Pour la deuxième nuit consécutive, des émeutes ont embrasé La Réunion. Une flambée de violence qui s'est propagée au-delà des communes de Saint-Denis et du Port, foyers habituels de la contestation sociale dans l'île. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la commune de Saint-Benoît, dans l'Est, a également été le théâtre d'affrontements entre jeunes et forces de l'ordre.
A Saint-Denis, dans le quartier du Chaudron, des combats violents ont encore opposé des bandes de jeunes aux forces de l'ordre. En début de soirée, en marge d'une manifestation pacifique contre la vie chère rassemblant des habitants du quartier, des jeunes casseurs, souvent alcoolisés, ont mis le feu aux poudres. En début de soirée, des poubelles, une voiture, et des locaux techniques ont été incendiés. Comme lors de la nuit précédente, la grande surface Jumbo Score a failli être pillée, plusieurs commerces ont été cassés. Une "cyber case" municipale a été incendiée. La bibliothèque aurait pu subir le même sort sans l'intervention difficile des sapeurs-pompiers. Les forces de l'ordre, répondant à des jets de galets et de cocktails Molotov, ont tenté de disperser les bandes de jeunes, très mobiles dans ce "quartier-labyrinthe", a coups de bombes lacrymogènes.
Des familles du quartier ont assisté à ce spectacle explosif jusque tard dans la nuit. Le préfet, dans un communiqué, a d'ailleurs demandé solennellement "aux parents et adultes étrangers à ces violences de ne pas venir assister aux affrontements compte tenu des dangers et pour permettre aux policiers et gendarmes d'intervenir avec plus d'efficacité".
Dans la commune du Port (ouest), cinq véhicules ont pris feu dans une concession. Selon l'un de deux vigiles du garage, "une meute de jeunes déterminés" leur est tombé dessus vers 22h.
A Saint-Benoît, c'est aussi la grande surface Jumbo Score qui a été la cible des casseurs et pillée.
Au cours de cette nuit, 26 émeutiers ont été placés en garde à vue (portant leur nombre à 48 depuis le début de l'insurrection), a indiqué la préfecture de Saint-Denis. Deux d'entre elles devaient être jugées jeudi. Selon la préfecture, trois policiers ont été blessés.
Ces débordements sont intervenus à la suite de négociations interrompues entre la Société réunionnaise de produits Pétroliers (SRPP) et les syndicats de transporteurs visant à obtenir une baisse du prix des carburants pour l'ensemble de la population. Après avoir vivement appelé à la mobilisation pour soutenir les transporteurs dans leurs revendications, Jean-Bernard Caroupaye, président de la FNTR (Fédération nationale des transporteurs routiers), a condamné fermement les émeutes. Les discussions entre pétroliers et transporteurs doivent reprendre vendredi, en préfecture.
Un débat limité à la seule facture énergétique et non à la cherté de la vie, comme le souhaiterait Jean-Hugues Ratenon, président de l'Alliance des Réunionnais contre la précarité (ARCP). Cette thématique était déjà à l'origine de la précédente crise sociale de 2009 alors encadrée par le COSPAR (Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives). Aujourd'hui, "ce mouvement n'est ni structuré et ne porte aucune revendication claire", a indiqué Gilbert Annette (PS), maire de Saint-Denis. "C'est l'expression d'un ras-le-bol contre une société qui va mal."
Un point de vue partagé par Jean-Pierre Rivière, secrétaire général de la CFDT: "Ces violences sont en marge des problématiques de la vie chère. Elles traduisent la désespérance de la jeunesse".
A La Réunion, le taux de chômage est trois fois plus important qu'en métropole. Il flirte avec le seuil des 60% en ce qui concerne les jeunes, les 15-25 ans. A la demande du préfet Michel Lalande, 76 gendarmes sont arrivés en renfort dans l'île, jeudi matin. AP